Prix Nobel d’économie 2025 - Réinventer la croissance : de la destruction créatrice à la transformation permanente
- Laurence DARRIEUMERLOU
- 17 oct.
- 3 min de lecture
Le prix Nobel d’économie 2025 décerné à Philippe Aghion et Peter Howitt nous rappelle une vérité essentielle : la croissance ne tombe pas du ciel. Elle se construit, jour après jour, à travers la capacité des individus, des entreprises et des territoires à innover, apprendre et se réinventer.
De Solow à Aghion : comprendre le vrai moteur de la croissance
Dans les années 1950, Robert Solow, chercheur au MIT, avait montré que la croissance d’un pays dépendait du capital et du travail. Mais ces deux leviers n’expliquaient qu’à peine la moitié des performances économiques. Le reste, le fameux « résidu de Solow », semblait venir d’ailleurs : d’un progrès technique mystérieux, extérieur aux entreprises.
Aghion et Howitt ont levé ce mystère : ce progrès vient en réalité des efforts d’innovation et de recherche. La croissance n’est donc pas un phénomène spontané : elle résulte d’un mouvement continu d’apprentissage et d’expérimentation. Chaque idée nouvelle améliore, remplace ou renouvelle l’existant. La vitalité économique vient de cette capacité à faire émerger le nouveau sans détruire le sens du présent.
Aujourd’hui, la vraie performance réside dans la continuité du mouvement. Une entreprise équilibrée entre présent maîtrisé et futur en émergence est une organisation résiliente, adaptable, connectée au monde. C’est cet équilibre qui nourrit la création de valeur : 50 % venant de l’exploitation de l’existant, 50 % de l’exploration du futur.
De la destruction créatrice à la transformation permanente
Leur modèle décrit un monde où l’innovation renouvelle en permanence la base productive.
Mais plutôt que de parler de destruction créatrice, nous préférons parler de transformation permanente : un mouvement plus fluide, plus naturel, plus humain.
Car là se trouve tout le sens de cette dynamique :
une organisation vivante trouve son équilibre entre deux forces vitales :
Exploiter l’existant : valoriser ce qui fonctionne, capitaliser sur les savoir-faire ;
Explorer la suite : écouter le monde, expérimenter, imaginer de nouvelles réponses,
penser le rôle que l’on veut jouer dans le futur et se donner les moyens de l’incarner par de nouvelles connaissances, de nouvelles technologies, de nouvelles formes de valeur.
La transformation permanente n’est pas un état d’exception : c’est le rythme de vie d’un collectif, une manière d’être en action, en écoute, en régénération continue. C’est la traduction managériale d’un principe économique aujourd’hui récompensé : dans un monde traversé par des bouleversements économiques, sociaux et géopolitiques, la capacité à se transformer en continu devient la première ressource stratégique.
Pour un dirigeant, l’enjeu n’est plus de “piloter le changement”, il est d’installer son entreprise dans une dynamique vivante de transformation permanente. Non pas pour résister aux secousses du monde, mais pour en faire un levier d’apprentissage collectif.
Réhabiliter l’innovation : non pas un coût, mais un investissement vital
Trop souvent encore, l’innovation est perçue comme un coût : un centre de dépense, un pari risqué, un luxe que l’on s’accorde quand tout va bien — la fameuse variable d’ajustement quand il faut “raboter” un budget. C’est une erreur stratégique majeure.
L’innovation n’est pas une charge : c’est un investissement dans la capacité à durer.
Elle permet d’anticiper, d’apprendre, de créer les conditions de la prochaine performance.
C’est elle qui assure la compétitivité, la pérennité et le sens collectif de l’entreprise.
Sans innovation, une organisation s’épuise ; avec elle, elle se régénère.
Dans une économie de transformation permanente, l’innovation devient le capital vivant :
Un investissement choisi qui nourrit la croissance d’aujourd’hui et rend possible celle de demain. Elle est la respiration économique de l’entreprise. Investir dans l’innovation, c’est investir dans sa propre vitalité. C’est accepter que la performance ne se mesure plus seulement en résultats financiers, mais aussi en capacité à apprendre plus vite que le monde ne change. Ne pas le faire, c’est laisser la disruption décider à sa place.
Oser la transformation permanente
La distinction entre destruction créatrice et transformation permanente n’est pas qu’une question de vocabulaire : c’est un changement de regard. La première met l’accent sur la rupture ; la seconde, sur le mouvement. Là où l’une détruit pour reconstruire, l’autre apprend pour grandir.
La transformation permanente propose une vision plus apaisée, plus organique de la croissance : celle d’un système qui se renouvelle sans se renier, qui avance sans s’épuiser, qui crée de la valeur en restant fidèle à son ADN. C’est cette voie que doivent emprunter les entreprises, les territoires, les organisations publiques et privées : passer d’une logique de réforme ponctuelle à une logique de régénération continue.
Le prix Nobel d’Aghion et Howitt ne récompense pas seulement une théorie économique ;
il nous invite à voir la croissance autrement : comme une dynamique vivante, où l’innovation, la connaissance et la coopération deviennent les véritables moteurs de la prospérité.
Alors oui : Osez la transformation permanente !





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